Livret de 16 pages – 9 Photos – Cartes

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Livret de 16 pages – 9 Photos – Cartes

Dans les années 1560, des navigateurs-aventuriers anglais imitant leurs intrépides confrères hollandais, réussissent à tromper la surveillance de la flotte portugaise qui contrôlait alors, sans pitié, la navigation dans les eaux de l’Océan Indien et atteignirent la côte Ouest de la Péninsule Indienne. Ils y achèteront épices et produits orientaux qu’ils rapporteront en Angleterre, où ils les vendirent à un très grand prix.Et pourtant leur succès, car il s’agissait bien d’un grand succès, ne fut pas accueilli avec enthousiasme par le « marché de Londres » qui alors, ne pensait et ne rêvait qu’à l’Atlantique et à l’Amérique… et nos aventuriers de la première heure, purement et simplement, renoncèrent à poursuivre leurs expéditions.

Heureusement l’Angleterre n’avait pas que le « marché » pour rêver à l’avenir, elle avait de grands politiciens qui étaient presque toujours des stratèges de valeur. Ces stratèges estimaient qu’ils avaient su donner à leur pays une place privilégiée à l’Ouest dans l’Océan Atlantique et en Amérique, mais par contre, craignaient d’avoir trop longtemps ignoré l’Orient et cet autre grand Océan, l’Océan Indien où les Portugais s’étaient taillé un Empire et où les Hollandais commençaient à pénétrer.

 

A l’avant-garde de ces stratégies, était Elisabeth Ire qui, une fois de plus, allait prouver son génie géopolitique. Elle décide elle-même, pratiquement seule, à l’encontre de ses conseillers les plus écoutés : l’Angleterre ira en Extrême-Orient ; et elle crée une Compagnie Commerciale qui, en échange de droits juridiques exceptionnels, aura le devoir de commercer librement avec les Indes, en concurrence avec Portugais, Hollandais et tout autre.

Cette Compagnie prendra le nom de l’East India Company, que nous appellerons tout simplement « l’East India ».

 

La souscription du capital de l’East India (100 000 livres) ne s’annonce pas facile, car il se confirme que les « boursiers » de Londres n’aiment guère cet Extrême-Orient, peut-être très riche, mais si lointain et mystérieux.

 

Elisabeth Ire  sera forcée de « convaincre » ses favoris et participera elle-même, à titre privée, à la souscription, car pas question pour l’Etat d’investir dans une telle aventure. L’East India est de droit privé et n’aura aucune aide financière de l’Etat.

 

Finalement le capital devra être réduit à 30 000 livres pour être souscrit.

 

Enfin tout est en ordre, et « on » organise la première expédition vers les Indes. Cette expédition sera sous les ordres d’un marin audacieux William Hawkins qui, en 1607, abordera à Surat, au Nord de la côte Ouest de la Péninsule Indienne dont le souverain est alors, l’Empereur « Grand Moghol, Jahangir, résidant en sa capitale d’Agra.

 

Sans hésiter, Hawkins déclare vouloir rencontrer Jehangir pour lui soumettre sa demande d’implantation d’un « comptoir » à Surat.

 

A cette époque, on ne peut, qui que l’on soit, rencontrer l’Empereur qu’après de longues négociations…, mais Hawkins ne veut pas attendre et il part pour Agra… et finalement il verra l’Empereur et amorcera même avec lui des relations presque amicales ! L’empereur doit lui faire savoir, sous peu, s’il accepte sa requête.

 

En 1613, à Surat, Hawkins reçoit le « firman » de l’Empereur Jehangir l’autorisant à implanter un comptoir à Surat et à commercer en Inde.

 

C’est un succès incroyable et on pourrait dire que c’est ce jour-là, que l’Empire Anglais des Indes est né.

 

Désormais, Londres est « intéressée » et l’East India dresse un ambitieux programme d’implantations dans les Indes. Il a été remarqué que les Portugais, puis les Hollandais se sont concentrés sur la côte Ouest de la Péninsule et ils ont presque ignoré la côté Est, qui est pourtant riche de promesses, en particulier parce qu’elle recueille la plupart des trafics commerciaux avec les mers de Chine.

 

Dès 1612, l’East India implante un comptoir sur la côte Est, à Masulipatam, puis à partir de 1620, sur l’Hooghly au Bengale, d’abord à Kalikata, puis à Sutanati qui deviendra Calcutta.

 

Mais l’East India est bien consciente qu’il lui faut s’implanter au Sud de la côte Est, et pendant 20 ans, elle négociera avec les Princes locaux, pour avoir le droit d’établir à Madraspatam un petit comptoir, puis elle obtiendra de « fortifier » ce comptoir.

 

Francis Drake, son nouveau directeur, bâtira, en guise de fortifications, une puissante forteresse, le fort Saint Georges, autour duquel se développera Madras.

 

Et pendant ce temps, les activités commerciales de l’East India se développent rapidement… et en 1640, on peut estimer qu’elle domine la côte Est de la Péninsule Indienne.

 

Mais ses succès à l’Est, n’ont pas fait oublier, à l’East India, la côte Ouest, où elle continue, en effet, d’établir d’excellents réseaux commerciaux. Désormais, elle connait tous les ports et tous les estuaires de cette côte. Elle est convaincue que Surat est, certes un excellent point d’appui, mais est trop excentrée, trop loin au Nord de la côte Indienne.

 

Il lui faut trouver un havre, au centre de la côte Ouest, et ce havre ne peut être que Bombay, une rade splendide bordée d’un chapelet de sept petites îles, qui selon la légende, émergèrent = de l’Océan pour dominer la Péninsule !!!

 

Mais Bombay appartient aux Portugais, à la Vice-royauté de Goa qui, bien sûr, n’entend pas la céder. L’Histoire va bien arranger les choses. En 1661, Catherine de Bragance épouse Charles II d’Angleterre, en lui apportant Bombay comme dot (une « ridicule » dot , dit-on à l’époque !)

 

Ainsi, en moins de 40 ans, l’East India s’est taillé une place dominante, tant sur la côte Est, que sur la côte Ouest.

 

Immense succès, pour l’East India, sur le plan stratégique, et de plus, les résultats obtenus sur le plan commercial sont aussi spectaculaires.

 

Profitant de la « décadence » de la Vice-royauté de Goa, elle a réussi à prendre le contrôle d’une majorité des réseaux commerciaux portugais. Et de plus, elle a empêché les Hollandais de prendre une part conséquente du marché. Quant aux Français, ils viennent seulement d’apparaître sur la scène.

 

On peut dire qu’à la fin du XVIIe siècle, l’East India domine le marché de l’Inde.

 

Et ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que cette réussite admirable a été accomplie en Inde par des hommes simples, des « marchands », sous la houlette de « comptables » qui, de leurs bureaux quelque peu minables de Londres, se révèleront de brillants stratèges, de remarquables tacticiens et des financiers hors pair.

 

Début XVIIIe siècle, l’East India, va prouver qu’elle n’est pas la victime de ses succès, et qu’elle ne s’endort pas. Bien au contraire, elle suit les évolutions commerciales dans le monde, elle analyse, elle prévoit.

 

Ainsi, constate-t-elle, que le marché européen a basculé de « l’épicé » vers le « sucré » avec l’apparition en quantité du sucre des Antilles. Le marché des épices qui représente 70 % du chiffre d’affaires de l’East India diminue régulièrement et aucune mesure prise jusqu’alors sur le marché européen n’a réussi à relancer la consommation de l’épice.

 

Il faut trouver un autre produit de grande consommation. Les soieries ne peuvent répondre à ce besoin, car elles trop chères. Il reste donc les cotonnades que l’on a jusqu’alors ignorées.

 

L’East India va, alors, s’essayer à la vente des cotonnades indiennes. Légère, souple, agréable à porter, la cotonnade va vite séduire toutes les femmes occidentales habituées, jusqu’alors, à porter des draps rêches et plus ou moins épais. Quant au voile de coton, transparent, lui va faire fureur. Ainsi le commerce des cotonnades va largement compenser la chute des ventes du marché des épices.

 

Anglais et Français (qui désormais sont bien présents) ont compris, et ils se lancent au contact des fournisseurs. Eux qui ne sont presque jamais sortis de leurs comptoirs, vont découvrir l’Inde profonde, villes et villages. Ils vont découvrir l’Indien « de la base », sérieux, travailleurs, imaginatifs. Un monde nouveau s’ouvre.

 

Deux hommes, mieux que tout autre, vont découvrir l’être humain indien, puis vont approcher l’âme indienne, ce sont l’Anglais Robert Clive et le Français Joseph-François Dupleix.

 

Tous deux font alors face au même problème. Ce problème n’est rien d’autre que le problème de l’Inde : « qui va dominer l’Inde ? »

 

Tous deux sont conscients que leurs pays respectifs, l’Angleterre et la France ont la possibilité et la capacité de dominer l’Inde.

 

Et tous deux ont aussi compris que cette domination ne pourrait s’établir que par la « collaboration » et non pas la « conquête ».

 

Ces deux hommes admirables, si semblables, auront des parcours de vie également, similaires. Ils vont désormais en plein XVIIe siècle, faire l’Histoire qui mènera à la disparition de la France de l’Inde, laissant place à l’East India pour y établir un régime, exemplaire et probablement unique au monde, fait de « collaboration »

 

En 1707, Aurangzeb, le dernier Empereur, de la Dynastie des « Grands Moghols », meurt.

 

Ses successeurs, parfois des Princes de valeur, ne seront plus des «  Grands Moghols », ils ne seront seulement que des des Empereurs Moghols.

 

Souverains ne disposant plus que de pouvoirs réduits et qui très vite ne seront plus que des Souverains certes prestigieux, mais sans réelle autorité politique.

 

La succession des « Grands Moghols » est ouverte. Sont en lice : deux nations étrangères, les Anglais et les Français, puis les grands Princes de la Péninsule Indienne : Hyderabad, Oudh, Bengale, Mysore…et, les Marathes, les Sikhs du Punjab, les Afghans du Nord-Ouest.

 

Dupleix appliquant sa politique de collaboration avec les Princes locaux, va alors créer un réseau d’alliances qui lui assurera une quasi domination du Centre et du Sud de la Péninsule.

 

Clive suivra Dupleix, pas à pas.

 

La lutte de ces « deux grands » sera rythmée par les guerres qui agitent l’Europe (succession de l’Autriche, guerre de 7 ans).

 

Finalement à partir de 1751, Clive prend l’avantage sur Dupleix qui sera vaincu à Trichinopoly et rappelé en France (où il sera jugé, acquitté et finalement mourra dans l’indigence).

 

Après Dupleix, la France déclinera rapidement en Inde, et Clive écrasera le Gouverneur des Comptoirs Français, le Général Lally-Tollendal à la bataille de Wandiwash en 1760.

 

Pondichéry sera pris et ses fortifications rasées. La France se retirera.

 

Tout de suite après la chute de Pondichéry, Clive rejoint le Bengale d’où il s’assure,  le contrôle du Bihar, puis de l’Orissa, qui vont constituer avec le Bengale une immense région, sous le contrôle de l’East India.

 

Puis Clive prend en main les affaire du Deccan et rallie le Nizam d’Hyderabad, jusque-là le fidèle allié des Français.

 

En 1767, épuisé, Clive se retire en Angleterre où, il est attaqué, jugé et finalement acquitté, mais il n’est plus qu’un homme brisé, accablé, qui se suicidera en 1774.

 

Curieusement l’East India n’apprécie pas l’ »œuvre » accomplie par Clive en Inde. C’est dans un sens admirable, l’East India veut faire du commerce, beaucoup de commerce et gagner de l’argent, beaucoup d’argent. Conquérir les territoires coûte cher et cause beaucoup de tracas… Alors surtout ne nous mêlons pas des affaires locales, et laissons les Princes locaux s’expliquer entre eux.

 

C’est ce que pensent et préconisent beaucoup de membres de l’East India.

 

L’Angleterre, dans son ensemble, partage ce point de vue, et ne veut pas entendre parler d’intervention dans les affaires locales, à tel point que Premier Ministre Anglais, le « Grand Pitt », promulgue « l’India Act 1784 », qui fixe à l’East India une politique de non intervention.

 

L’East India s’incline, mais la non intervention se révèle rapidement impraticable. L’East India perd de son prestige et de son influence et, son organisation commerciale risque d’être compromise.

 

Alors l’East India « louvoie », et avec une habilité consommée, trouve des arrangements lui concédant des positions privilégiées à Hyderabad, Mysore, auprès des Sikhs, des Gurkhas…

 

Les Marathes restent les seuls qui rejetteront tout accord avec les Anglais. Race fière et ombrageuse, se voulant défenseur de la civilisation hindoue, les Marathes refusent le compromis et sont en passe de dominer l’Inde et de succéder aux « Grands Moghols »

 

La ténacité de l’East India sera admirable. Elle fera trois guerres aux Marathes en 30 ans, tout en trouvant le moyen de limiter les interférences pacifiste de Londres.

 

En 1816, les Marathes font la paix. L’East India règne alors souverainement sur la Péninsule Indienne, et en un demi-siècle va la transformer d’un état semi féodal, en un état moderne.

 

Certes, l’East India veut assurer la paix intérieure et à ce titre, limite, voire supprime, les activités politiques, et contient « fermement » les poussées religieuses des musulmans Indiens.

 

Mais l’East India n’en est pas moins la « Fille du Siècle des Lumières » ; aussi va-t-elle initier, puis diriger une véritable révolution structurelle, économique et culturelle de la Péninsule Indienne.

 

A l’actif de l’East India :

 

–       suppression des guerres entre les états princiers,

 

–       établissement sur toute la Péninsule :

de services administratifs efficaces,

de cours de justice,

 

–       instauration de la liberté religieuse,

 

–       abolition de l’esclavage,

 

–       suppression des droits de douanes et péages entre états princiers,

 

–       gigantesque plan de construction de routes et de chemins de fer,

 

–       construction d’ensembles portuaires.

 

–       création de nombreux collèges, d’universités, de bibliothèques et de services archéologiques,

 

–       diffusion de l’ « Hindi »,

 

–       éditions de journaux en anglais et dans les langues locales,

 

etc… etc….

 

1857, l’armée (une armée moderne, bien entrainée, et bien encadrée) de l’East India reçoit de nouvelles cartouches qui sont graissées pour éviter l’humidité. Ces cartouches, il faut les porter à la bouche et les déchirer.

 

Certains « cipayes » hindous (soldats) vont prétendre que la graisse est de vache et naturellement refusent de déchirer les cartouches, d’autres, des  musulmans, vont prétendre qu’il s’agit de graisse de porc et vont, à leur tour, refuser.

 

Le Commandement réagit brutalement. Il y a des refus d’obéissance et donc des punitions les plus sévères sont requises. Il y eut des condamnés et des « cipayes » sont exécutés.

 

D’où révoltes, en particulier des unités du grand camp de Meerut au Nord de Delhi.

 

Très vite l’East India ne peut plus compter sur son armée et le pays risque d’aller à l’anarchie.

 

La Couronne et Londres réagissent immédiatement. En 8 jours l’East India est dissoute et ses privilèges supprimés. Les actionnaires sont indemnisés.

 

La Couronne assurera tous les devoirs de l’East India et en premier rétablira la Paix.

 

Dès 1859, les troupes métropolitaines arrivent de Grande Bretagne à Calcutta. Elles vont pas à pas reconquérir les territoires occupés par les mutins.

 

De leur côté les administrateurs, fonctionnaires anglais professionnels assurent la relève de leurs collègues commerçants et négociants.

 

Les heurts seront nombreux, mais ils seront toujours surmontés et en 1876, l’administration anglaise assurera à la Couronne que l’Inde est désormais sous contrôle et que la paix et l’ordre y règnent.

 

La Reine Victoria, peut alors devenir « Impératrice des Indes », et la Péninsule va connaître le « RAJ » anglais.

 

Un « RAJ » qui va mener cette immense sous-continent, progressivement, démocratiquement, en 1947, à l’indépendance de ses habitants, au sein des grands états souverains : Union Indienne, Pakistan, Bangladesh qui représentent à eux trois, un quart de la population humaine.


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